Méditation
La méditation, si elle implique le moindre effort, n'est plus de la méditation. La méditation n'est pas un accomplissement, une pratique quotidienne répétitive soumise à un système, une méthode où l'on vise à atteindre un but recherché. Toute notion d'imagination et de mesure doit être définitivement bannie. La méditation n'est pas le moyen d'accéder à une fin : c'est une fin en soi. Mais pour qu'il y ait méditation, celui qui médite doit cesser d'exister.
.
.
Se connaître soi-même - les activités, les interminables dialogues, les fantasmes, les illusions sans fin du moi, le réseau des mouvements qui lui sont propres - c'est abolir la souffrance. La souffrance fait obstacle à la clarté. La méditation est cette clarté dans laquelle n'entre nulle division. L'opposé est le résultat de la confusion.
La méditation exige un esprit étonnamment agile; c'est une compréhension de la totalité de la vie, où toute fragmentation a cessé, et non une volonté dirigeant la pensée. Lorsque celle-ci est dirigée, elle provoque un conflit dans l’esprit mais lorsqu'on comprend sa structure et son origine —que nous avons déjà examinées— elle cesse d'intervenir. Cette compréhension de la structure de la pensée est sa propre discipline, qui est méditation.
La méditation consiste à être conscient de chaque pensée, de chaque sentiment; à ne jamais les juger en bien ou en mal, mais à les observer et à se mouvoir avec eux. En cet état d'observation, on commence à comprendre tout le mouvement du penser et du sentir. De cette lucidité naît le silence.
Un silence composé par la pensée est stagnation, une chose morte, mais le silence qui vient lorsque la pensée a compris sa propre origine, sa propre nature et qu'aucune pensée n'est jamais libre mais toujours vieille, ce silence est une méditation où celui qui médite est totalement absent, du fait que l'esprit s'est vidé du passé.
L'extase est hors du temps. La félicité de la méditation ne s'inscrit pas dans la durée. La joie devient plaisir dès qu'elle a une continuité. A l'aune du temps des horloges, la félicité de la méditation n'est rien qu'une seconde, mais dans cette seconde s'inscrit le mouvement global de la vie hors le temps, mouvement qui n'a ni commencement ni fin. Dans la méditation, la seconde est l'infini.